La Porte Verrouillée
Il s'appelle Didier. Et la solitude de Didier est une maison. Une grande maison silencieuse, aux volets clos en permanence. Elle n'est pas remplie de fantômes de souvenirs, mais simplement d'air froid et d'un vide assourdissant.
Didier est un homme dont le destin semble avoir retiré toute la couleur. Sa vie est tissée de fils invisibles qui le séparent du reste du monde. Il n%u2019a pas d%u2019ennemis, pas de querelles bruyantes ; il a juste cette incapacité chronique, presque physique, à trouver le chemin de la compagnie. Chaque tentative de lien social est un pont construit sur du sable. Les mots se coincent dans sa gorge, les sourires lui paraissent artificiels, et les conversations légères des autres lui donnent l%u2019impression de parler une langue morte.
Il a bien essayé, pourtant. Les sites de rencontres, les clubs de lecture, les bancs publics. À chaque fois, il ramène chez lui le même constat amer : il est un point hors-champ, un détail que l'on oublie immédiatement. Il se sent comme une pièce de monnaie étrangère, rejetée par le distributeur automatique des relations humaines. Les gens sont polis, mais leurs yeux glissent sur lui, sans jamais s'accrocher.
Sa routine est devenue son seul compagnon fiable. Les heures sont marquées par la sonnerie de son réveil, le bruit du grille-pain, le cliquetis de ses clés sur la table %u2013 tous ces petits sons mécaniques qui prouvent, au moins, que quelque chose existe. Le soir, il s'enferme dans son appartement, et le verrou est la seule preuve palpable qu%u2019il y a une limite entre son néant personnel et le bouillonnement de la vie extérieure.
Ce n'est pas qu'il soit désagréable ou laid ; il est juste... effacé. Il porte le poids de son silence comme une cape d'invisibilité. Les rares fois où il se surprend à désirer la présence d%u2019un autre être, la panique le saisit. Que dire ? Que faire ? Comment combler cet espace devenu si vaste entre lui et les autres ? Il craint d'ouvrir la bouche et de laisser échapper non pas des mots, mais la plainte rauque d'un homme qui a trop longtemps parlé à lui-même.
Alors il se contente de regarder par la fenêtre, observateur éternel des vies qui se croisent, se touchent, s'aiment. Il voit les lumières s%u2019éteindre chez ses voisins et imagine la chaleur des foyers, les murmures des confidences.
Didier vit dans la solitude complète, non pas par choix, mais par une fatalité silencieuse. Il est là, derrière sa porte verrouillée, à attendre un signe, un appel, une erreur dans le système qui lui permettrait de s'insérer. Mais le temps passe, et sa solitude est devenue son ombre, indissociable, et terriblement fidèle. Il est seul, et la plus grande tragédie est qu%u2019il ne sait plus comment ne plus l%u2019être..
Envoyer un message |
Bloquer ce profil |
Profil inapproprié?
Envoyer un message |
Bloquer ce profil |
Entrevue inappropriée?